Être informée et défendue à Citad’elles, c’est bénéficier d’information et de conseils juridiques pour aider les victimes en matière de droits et de procédures judiciaires. C’est aussi pouvoir déposer plainte in situ. Les Brigades de Protection des Familles de la police nationale et de la gendarmerie, formées à l’accueil et spécialisées dans la prévention, assurent une permanence hebdomadaire à la demande.
De quelle façon intervenez-vous à Citad’elles ?
En tant que gendarme formée sur les questions de violences intrafamiliales, je recueille les plaintes des femmes victimes, ou je facilite leur dépôt auprès de collègues formés. Soit cela se déroule directement à Citad’elles, parce que c’est plus confortable pour les personnes. Soit, si le contexte le permet, et si la victime est d’accord pour se rendre dans une unité de gendarmerie, nous l’adressons aux collègues avec qui j’ai l’habitude de travailler, ce qui rassure nos interlocutrices. Cela peut être à proximité de leurs domiciles, ou pas, c’est très variable en fonctions des situations. Il arrive aussi, dans les cas épineux, que j’assiste au dépôt de plainte, en appui des enquêteurs de terrain.
Vous êtes formée de façon approfondie sur le recueil de la parole des femmes victimes de violences. En quoi ces auditions sont-elles particulières ?
D’abord parce que ces femmes se trouvent dans un huis clos familial, elles sont souvent isolées par le conjoint violent, sous emprise : faire émerger leur parole ne peut pas se faire dans n’importe quelles conditions. Et si, au moment où la victime veut parler, son interlocuteur.ice n’est pas disponible pour l’accueillir, ou pas bien formé, cela peut avoir un lourd impact, non seulement sur la personne mais aussi en matière de décisions de justice. A titre d’exemple, pendant les auditions avec les victimes, je vais aborder les violences au sens large, pas seulement les violences physiques. Si on ne le fait pas, on peut vite passer à côté d’éléments de preuves en matière de violences verbales, financières, psychologiques etc. Il s’agit vraiment de balayer le contexte. L’audition est essentielle, parce qu’elle va participer à informer la justice de la réalité vécue, et contribuer à ce que la réponse pénale soit la plus juste possible.
Concrètement, comment se passent les dépôts de plainte ?
Nous accordons du temps aux victimes, et leur demandons de nous en accorder un peu aussi pour monter la procédure correctement. Détecter l’ensemble des formes de violences auxquelles la victime a été confrontée et qu’elle n’a pas forcément identifiée ne se fait pas en 5 minutes. En fonction de leur état émotionnel ou de la durée de l’entretien, nous pouvons procéder en plusieurs fois, faire des pauses.
Le confinement de mars 2020, vous vous en souviendrez comme de moments…
Étranges, plein d’incertitudes pour les personnes victimes à domicile, bloquées entre le souci de respecter les règles de confinement et la volonté de partir ponctuellement ou définitivement. Nous avons dû procéder à davantage d’interventions que d’habitude. Le côté plus positif, c’est que nous avons assisté à une prise de conscience générale de la population sur le sujet des violences. Des gens se sont inquiétés pour leurs voisins, ont remonté des signalements…
Quelle personnalité vous inspire ?
Simone Veil, pour son parcours de vie si particulier. C’est une des premières à avoir lutté pour les femmes, sans excès mais avec détermination. Je la revois à l’Assemblée Nationale, dans son tailleur, en train de défendre son texte.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux femmes qui nous lisent ?
La famille est le premier endroit où l’on se construit, c’est donc tout à fait normal de vouloir la préserver, ainsi que les enfants qui y évoluent.
Pensez-vous à une ressource grand public pour sensibiliser aux violences ?
Je pense à la série « Big little lies », de Liane Moriarty et David E. Kelley. Le personnage de Nicole Kidman subit des violences, et je trouve la manière dont elles sont présentées très juste. On perçoit bien, notamment, la difficulté à exprimer ces violences à l’extérieur. Sur le sujet des violences faites aux enfants, je conseille de visionner le téléfilm « La Maladroite », d’Eléonore Faucher.